Auteur : Autechre
Titre : Sign / Plus
Format : CD, LP, numérique
Sortie chez : Warp Records
Évoluant depuis plus de vingt ans dans leur propre dimension sonore, un monde de machines ou toute pensée humaine apparaît aussi futile qu’illogique, Rob Brown et Sean Booth n’ont cessé de questionner toujours plus le concept de musique électronique, de repousser les limites de l’audible. Auteurs de EP aussi longs (voire plus) que des albums, d’une pléthore de live qui sont autant de constructions de structures labyrinthiques en public, de sessions radio aussi imprévisibles qu’essentielles, et même, pendant le confinement, de streamings quotidiens de douze heures mêlant musique balinaise, concrète ou expérimentale, Autechre redéfinit à chaque fois ce qui est possible. Avec une seule constante, la folle abstraction, aussi impénétrable que savamment agencée qui les occupe depuis LP5. Pourtant, de loin en loin, sur leurs derniers albums, de fugaces trouées dans le dialogue incompréhensible des machines laissaient transparaître des clins d’œil à leurs racines hip hop, ou à un son rave qui prouvait qu’il y avait bien des humains à l’œuvre et pas simplement une IA en pleine crise identitaire. Avec Sign, le paysage change, s’éclaircit, et le duo, sans renier sa complexité algorithmique, nous offre son album le plus musical en vingt ans. Dans des titres en continuelle mutation, on croise ainsi pendant quelques instants des beats presque stables( “psin AM”), des accords mélodieux qui n’auraient pas démérité sur Amber (“Metaz form8” ), et même un évident clin d’oeil à Boards of Canada (F7), dont Autechre tutoie alors la limpidité. Comme une symphonie mécanique contrariée et dévorée par l’entropie (“th red a”), Sign est sans conteste un album amené à tenir une place à part dans la discographie d’Autechre, celle du moment où l’homme et la machine, après avoir lutté d’arrache-pied pendant des années ont fini par ne faire qu’un. Mais marquera t-il une nouvelle étape ou ne sera t-il qu’un joyau isolé, ce n’est pas Plus, l’album jumeau publié par surprise qui nous répondra, puisqu’il oscille encore davantage entre les mondes, mariant effondrement chaotique (“DekDre Scap B”); répétitivité obsessionnelle (les quinze minutes d’”ecol4”), l’ambient élégiaque (“lux 106 mod”) et des fourmillements acides (“TM1 open”). Duo d’albums aussi dissemblables que complémentaires, faces opposées d’un même problème, Sign et Plus posent en tous les cas de nouveaux paradigmes pour comprendre le parcours d’Autechre… jusqu’à la prochaine mutation, qui pourrait aussi bien avoir lieu sur un nouvel album dans deux ans que dans un set vidéo sur twitch dans deux jours.
https://autechre.bandcamp.com/album/sign
https://autechre.bandcamp.com/album/plus