Figure incontournable de la Techno moderne, Michael Wollenhaupt aka Ancient Methods est surtout un des précurseurs de la néo-scéne Techno Indus / EBM (on pense ici aux labels aufnahme + wiedergabe, Hospital Productions . Amateur d’un son tourné aussi bien vers la mélodie qu’empli de références new wave, indus et goth, il a notamment remixé le Post-Punk de The Soft Moon, la Synth-Pop de Wolfsheim ou les légendes Indus Bourbonese Qualk. Il vient de sortir un LP sous le nom de The Loud Age. Quelques questions, pour revenir sur la genèse et les influences principales du projet..
Oldskool : Un grand nombre de journalistes et critiques parlent régulièrement de tes tracks comme un des croisements les plus réussis entre son oldschool et techno moderne, quels sont tes avis là dessus ?
Ancient Methods : Merci. Honnêtement, j’ai juste quelques notions assez brutes de ce qui peut être considéré comme musique « oldschool » et « moderne ». J’étiquette de temps en temps la musique comme « oldschool » moi-même, par exemple quand j’entends un classique de Chicago House, très « puriste » dans l’esprit, très percussif, avec un focus sur la boite à rythme notamment – ma réaction immédiate sera de le catégoriser comme « oldschool ». C’est une étiquette, cela aide aussi à simplifier la communication. C’est déjà une notion très primaire et limitée, mais à mon sens c’est encore plus difficile de définir ce qu’est un « son moderne » alors que le contenu musical est souvent et principalement un recyclage ou un reflet du passé.
Pour parler de ma musique, je n’ai pas de réflexion consciente sur une façon de procéder, ou sur une construction réfléchie du genre « tiens aujourd’hui je vais prendre un son type Mentasm (son typique des premiers morceaux rave) et je vais le mélanger à des éléments sonores modernes ». Je pense plutôt que les influences des époques passées sont incroyablement complexes, et qu’elles ont un impact inconscient et inéluctable très fort sur ton travail musical, qui est et reste la plus importante et première expression de qui tu es vraiment. Ton éducation, les gens que tu as rencontrés, les scènes et cultures que tu as expérimentées et côtoyées, les livres que tu as lus, les films que tu as regardés, les joies octroyées et les souffrances subies – je pense qu’il est impossible de détacher toutes ces expériences du processus de création. Elles sont tes hybridations essentielles, ce qui façonne ta personnalité, ce qui est exprimé au travers de l’art et de la musique.
Te rappelles-tu de ta toute première rencontre avec la musique ?
Je me souviens de quelques moments clés. Ma toute première rencontre avec la musique, je m’en rappelle, c’était les comptines que me chantaient ma grand-mère lorsque je passais du temps dans sa maison, à la campagne. Je devais être très jeune à ce moment là. Je me rappelle des premières fois où j’ai eu des réactions plus profondes, conscientes et émotionnelles à l’écoute de musique. J’ai entendu le morceau « It’s A Sin » des Pet Shop Boys à la radio, et je pense que c’est la toute première fois que la radio a attiré mon attention, j’ai monté le son et j’ai écouté le morceau jusqu’à la fin, ce que je n’avais jamais encore fait et qui reste une expérience mémorable. Un autre moment formateur : j’étais en camp d’été pendant les vacances scolaires. Pendant une soirée dansante organisée pour les enfants, le DJ a joué « A Question Of Time » de Depeche Mode. Je me rappelle très clairement de l’intro qui démarre, avec un son de sirènes qui a rempli peu à peu la pièce (une sorte de cantine aménagée pour la soirée), et puis d’un coup la rythmique avec ce pied galvanisant qui jaillit et moi qui reste abasourdi par l’expérience. Ce moment reste dans ma mémoire car j’ai pris mon courage à deux mains pour demander le nom du morceau au DJ..
Je me rappelle aussi de ma première rencontre avec la Techno. Un soir j’allume la radio et je tombe soudainement sur cette musique de machines, que je n’avais jamais entendue avant qu’elle ne sorte des hauts-parleurs. J’ai pris la première cassette à ma portée sans regarder ce que c’était et j’ai immédiatement enregistré. J’ai toujours la cassette, avec la moitié du track et jusqu’à aujourd’hui je n’ai jamais réussi à trouver le titre du morceau qui a définitivement tout changé pour moi.
Dirais-tu que tu es plus un enfant des années « dark » 80s ou un raver des 90s ?
Je dirais que j’étais trop jeune pour vivre consciemment et pleinement la musique des 80s à l’époque, j’ai découvert ça rétrospectivement. Par contre, la scène Techno du début des années 90 a probablement été la plus importante période pour moi et mon amour pour cette musique. Je dois néanmoins admettre que j’ai commencé à explorer beaucoup d’autres genres musicaux suite au tournant « festif fête foraine » du milieu des 90s, puis à la monotonie Schranz quelques années après.
On entend régulièrement des samples de voix en français dans tes morceaux, il y a t’il un lien spécial entre toi et notre langue ?
Malheureusement je ne maîtrise pas beaucoup de langues, j’aimerais avoir 10 temps de vie supplémentaires pour apprendre et explorer plus de langages. Le français est une langue magnifique, mais je choisis les samples en premier lieu pour créer ou souligner un message particulier, car je n’aime pas utiliser ma propre voix pour cela. De plus, j’aime découper / éditer les samples afin de ré-arranger à ma façon le sens originel ou le contexte de la citation.
Te rappelles-tu de ton tout premier setup studio ?
Créer quelque chose qui ressemblait à un petit « studio » était souvent une histoire assez longue à l’époque. J’étais toujours étudiant et l’argent que je gagnais pendant des jobs d’été me permettait d’acheter une machine après l’autre tous les 6 mois environ. Le premier truc que j’ai acheté était un SH-101 que j’ai eu la chance de récupérer à bas prix. J’ai eu ensuite une TR-707, un peu plus tard une reverb assez cheap, un MC-202 puis une table de mix Boss qui sonnait très mal avec la paire de moniteurs la moins chère de chez Tannoy. Je me rappelle aussi avoir gâché de l’argent pour une sorte de gros clavier / workstation qui s’est révélé complètement inutile pour ce que je cherchais à faire.. C’est surement difficile à imaginer aujourd’hui mais à l’époque il n’y avait pas de DAW (Digital Audio Workstation – en français : station audionumérique) ni de tutoriels Youtube qui t’auraient enseigné en 5 minutes et sans budget à concevoir et finaliser un track entier. Même pour les aspects les plus basiques il fallait beaucoup de temps et d’argent – y compris pour juste tester et se tromper. Je ne suis pas sûr que je pourrais avoir aujourd’hui le même dévouement que j’ai eu et qu’il fallait avoir à l’époque.
Pourquoi avoir utilisé le pseudo « The Loud Age » sur ta dernière sortie ? Il y a ici quelque chose de différent d’Ancient Methods ?
Tout le monde peut se faire son propre avis mais cette sortie est une compilation de morceaux plus bizarres, beaucoup plus fournis en son de synthés – j’ai trouvé que ça ne collerait pas vraiment à la bannière Ancient Methods.
Quels sont tes plans pour le futur, au niveau musique (même si c’est compliqué de planifier quoi que ce soit en ce moment..) ?
J’essaye de continuer à travailler sur des remixes, mais sinon rien de précis.
« The Loud Age – The Second Siren » sur le label d’Ancient Methods, Persephonic Sirens
En vente chez Hardwax ou chez aufnahme + wiedergabe.
Photos par Marie Staggat