De tous les groupes, aujourd’hui nombreux, ayant repris à leur compte l’héritage de l’Electro-Pop telle qu’elle a été inventée, il y a plus de quarante ans par Kraftwerk, peu peuvent se targuer comme 808 DOT POP, d’en avoir saisi à la fois le fond et la forme, de ne pas se limiter à un simple appareillage de machines pour saisir l’essence, à la fois positiviste et résolument moderne des robots de Düsseldorf. Sur son premier album en tant que 808 DOT POP, Sven Lauwers, alias Passenger S qui, après avoir fait les beaux jours d’une EBM musclée et tendue au début des années 90 avec Ionic Vision, et exploré depuis 2012 des sonorités déjà rétro-futuristes en temps que moitié de Metroland, nous offre un album entier consacré à la théorie de la température de couleur. Et si les lois de la thermodynamique et la constante de Planck appliquées à l’Electro-Pop ne vous effraient pas, n’ayez crainte… finalement, c’est pas sorcier !
Qu’est ce qui t’a poussé à démarrer un projet parallèle à Metroland ?
Passenger S : Les raisons principales qui ont mené à la création de 808 DOT POP tiennent tout d’abord au fait que le rythme auquel nous travaillions avec Metroland ne me satisfaisait plus car j’avais trop d’inspiration et trop soif de composer de la musique. Je voulais également composer quelque chose qui me ressemble davantage, qui montre ce en quoi je crois : une musique sans frontières où je serais à même de tout décider par moi même.
Le nom du projet vient à la fois d’une boîte à rythmes mythique et d’un genre musical. Était-ce un moyen d’annoncer clairement la couleur sur ce qu’allait proposer 808 DOT POP ?
Tout à fait. La TR808 est sans conteste un instrument mythique de la musique électrique. J’aime beaucoup ses sonorités, à la fois vintage et modernes, et que tu ne peux jamais oublier une fois que tu les as entendues. La musique de 808 DOT POP est une sorte de Techno-Pop et le dot n’est rien d’autre que le mot qui décrit le symbole du point. Ce nom et cette combinaison de mots sonnent bien et sont agréables à regarder, trois fois trois lettres qui définissent exactement le type de musique auquel on peut s’attendre. Le nom explique le contenu.
La musique de 808 DOT POP, tout en rendant hommage aux racines de la musique électronique, parvient en même temps à être moderne. C’était un moyen de rejeter la nostalgie ?
Non, je n’avais aucun but en tête en créant la musique. Ce que tu entends est simplement ma façon, en 2020, de mélanger mes racines sonores.
Comme c’est le cas pour Metroland, la musique de 808 DOT POP est basée sur un concept unifiant les morceaux. Est-ce important à tes yeux d’offrir davantage que “simplement la musique” ?
Oui, je suis persuadé que la musique que je compose avec 808 DOT POP se devait d’offrir davantage que simplement du son. Travailler avec un concept précis est une manière d’élargir radicalement l’horizon de tes idées, que ce soit pour la musique ou l’art en général.
Le concept de The Colour Temperature n’est pas évident à appréhender ou à décrire, et tu as même intégré des équations et des définitions de différentes recherches dans tes vidéos.Pourquoi ce thème en particulier ? en quoi était-il si inspirant ?
J’aime glorifier les aspects du quotidien en les conceptualisant. Un sujet comme la température des couleurs est vraiment fascinant à partir du moment où tu commences à creuser un peu. Il fallait que ça devienne le concept unificateur de l’album. La lumière nous environne de toutes part et pourtant nous ne connaissons pratiquement rien à son sujet car nous la prenons trop pour une chose acquise. Un des aspects bonus lorsque tu travailles autour d’un concept est lorsque des gens te disent qu’après avoir écouté un morceau, ils ont cherché des informations sur le sujet du titre pour en savoir plus à ce sujet. Des titres comme « Radiation Laws » ou « Incandescence » ont poussé certains à se documenter sur ces aspects. L’un des retours les plus amusants que j’ai eu vient d’une personne qui m’a demandé pour rire « sais-tu au moins ce qu’il y a dans une ampoule électrique ? » Évidemment que je le sais, j’ai lu tout ce que je pouvais trouver à ce sujet, et chacun devrait en faire autant… L’idée est toujours simple, mais en termes de musique, c’est très efficace. Au départ, faire des recherches sur ce concept était juste une inspiration, mais plus tu lis sur un sujet, plus il t’inspire. Et d’une certaine manière, les principes de ces concepts se sont traduits en musique.
Un des aspects qui caractérise 808 DOT POP est que, pour chaque single, tu publies plusieurs versions, une méthode qui rappelle ce qui se faisait au début des années 80 et la façon dont Mute, par exemple, publiait les singles de Depeche Mode. C’est un clin d’œil ?
Clin d’œil est un euphémisme. C’est Mute Records qui a défini toute ma jeunesse. C’est à cause de Mute que je fais de la musique électronique. J’ai grandi avec les premiers Depeche Mode, avec Yazoo, Erasure, Nitzer Ebb, ou I Start Counting, puis Moby, Goldfrapp… et beaucoup d’autres projets électroniques qu’ils publiaient. J’étais véritablement accro à Mute et je suis tombé à pieds joints dans leur piège marketing. Tous ces 45 tours, ces maxis, ces éditions limitées, et tout le reste. Crois-moi, tu ne voudrais pas explorer ma collection de chez Mute Records, ça te prendrait le week-end.
C’est la raison pour laquelle j’adore quand les disques ont un petit truc en plus, qui te fait espérer leur sortie. Pour cet album, j’ai sorti trois 45 tours en vinyle, avec à chaque fois des versions exclusives pour que les fans qui les collectionnent aient quelque chose d’intéressant. Et chacune des sorties digitales peut être considérée comme un EP ou un EP limité, mais (malheureusement) digital.
Tu as démarré ta carrière musicale au début des années 90 avec Ionic Vision. Que penses-tu de l’évolution de la musique électronique depuis cette période alors que depuis quelques années, se développe une sorte de « retour aux sources » ?
Je ne suis plus la scène EBM, je ne peux donc pas vraiment te répondre quant au fait qu’il y ait ou non un mouvement de retour aux sources. De la même manière, je ne me repenche pas sur ce que j’ai pu faire il y a vingt ans. Je préfère me concentrer sur ce que je fais aujourd’hui et sur le futur de ces projets.
Ce que je constate, c’est que lorsque nous avons démarré Metroland en 2012, nous étions assez isolés dans cette scène, et que depuis ce moment, de nombreux groupes utilisant ce son rétro de Düsseldorf sont apparus, ce qui est bien entendu une bonne chose puisque nous n’aurons plus jamais rien de nouveau venant de Düsseldorf, si tu vois ce que je veux dire…
Ces derniers mois ont effectivement été tragiques pour les vétérans de la scène de Düsseldorf avec les décès de Gabi Delgado et Florian Schneider. Tu as d’ailleurs publié discrètement une reprise du « Man Machine » de Kraftwerk sur ton site à la mort de ce dernier. Penses-tu avoir une dette vis-à-vis de ces groupes ?
Merci de ne pas oublier d’ajouter Bodo Staiger de Rheingold à la liste des grandes pertes de 2020, car cela a toujours été l’un de mes groupes préférés. Kraftwerk et DAF ont tous deux eu une influence énorme sur l’ensemble de la scène électronique. Sans Kraftwerk, je me demande comment la Pop Électronique aurait pu sonner. Y aurait-il eu un Depeche Mode ou un OMD ? et sans DAF, aurions-nous eu Nitzer Ebb ou Orange Sector ? Ces deux extrêmes de la musique électronique sont d’énormes influences pour moi : Kraftwerk pour leur sons séquencés et pour leurs bleeps et leurs bips ; Nitzer Ebb et DAF pour les séquences de basses sombres et rythmées, et bien sûr ma nostalgie pour la noirceur de Joy Division dont je suis un grand fan. Avec par dessus tout ça la pop de Marsheaux, mon groupe favori de tous les temps. Tous ces groupes constituent l’armature de ma musique lorsque je compose des morceaux pour 808 DOT POP.
Tu viens de publier « Kelvin » un nouveau single issu de The Colour Temperature, là encore en trois versions. Quelles sont les prochaines étapes ?
Je suis en train de préparer un nouvel album avec un tout nouveau concept. J’ai quatorze titres qui se rapportent au thème choisi qui en sont à l’étape du mix final, mais je suis encore en train de me demander à qui faire appel pour les participations vocales car j’ai trois titres chantés sur cet album. Mais tu peux t’attendre au même genre d’ingrédients. Et avant ça, je peux annoncer qu’il y aura encore une extension au single Kelvin, début 2021.
Et du côté de Metroland ?
Là aussi, nous avons déterminé un nouveau concept, et nous progressons lentement vers un nouvel album, mais je ne peux pas encore dire quand il sera terminé. Ce qui est sûr, c’est que des choses se préparent au studio Underground, à la fois pour Metroland et 808 DOT POP.
808 DOT POP : Site Officiel – Facebook – Soundcloud – Youtube